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Nous avons le plaisir d’échanger avec Eric Dodin, CEO du groupe AssurOne. AssurOne est une assurtech de courtage en assurance, 100% digitale, et vous êtes focalisé sur trois activités principales : l’assurance auto-moto, l’assurance habitation et l’assurance entreprise. Avant de retrouver Eric aux Sommets du Digital, nous allons échanger à propos des mutations en cours dans le domaine de l’assurance.
Lorsque l’on parle de mutations, il y a un sujet qui revient souvent, c’est celui de l’IoT, de l’intelligence artificielle et de toutes les technologies autonomes. On va se demander quelle assurance choisir et, surtout, en cas de souci avec l’une de ces technologies autonomes : qui est responsable ?
Notre métier n’est pas d’être assureurs. Laissons nos amis assureurs qui sont largement outillés sur le sujet apporter les réponses. L’IoT, ce n’est pas forcément la voiture 100% autonome, sans chauffeur, qui peut être hackée par n’importe qui et aller dans le mur. Il peut s’agir de boîtiers connectés que l’on va mettre dans une voiture pour permettre de mieux suivre le comportement du consommateur, pour pouvoir ajuster sa prime, et potentiellement être dans un modèle vertueux et réduire sa sinistralité. Il aura le sentiment de pouvoir mieux suivre sa façon de conduire. Il peut aussi s’agir de ce qu’on peut mettre dans les maisons pour contrôler ce qu’il s’y passe, les alarmes, etc. Nous allons dans un premier temps nous concentrer sur ces choses-là. Par exemple, AssurOne lancera en avril une offre tout à fait innovante sur le marché des jeunes, qui capitalise complètement sur des modèles d’IoT.
Les offres évoluent donc par rapport à ces observations ?
Oui, les offres évoluent. L’intérêt de l’IoT, c’est que ça produit un groupe de données bien plus qualifiées et qualifiantes que ce qu’on avait dans le passé, qui reposait plus sur des modèles statistiques. Nous avons la donnée en temps réel du comportement que nous cherchons à analyser, à suivre ou à limiter le risque. L’avantage pour le consommateur, c’est de réduire le coût de sa prime, parce que, de manière marginale, son comportement serait démutualisé. Ces outils IoT ont une vertu et un risque. La vertu est de démutualiser : « je ne suis plus dans des groupes statistiques qui permettent aux assureurs de calculer ma prime. Si je suis vertueux, je vais chercher le maximum de l’impact sur ma prime d’assurance. J’ai peu de risques de sinistre, je vais chercher la prime la plus basse ». Le risque, c’est que ça peut éclater n’importe quel modèle assurantiel basé sur de la mutualisation. Si on met trop d’IoT, chaque assuré a une prime personnalisée, donc il n’y a plus mutualisation et les plus gros risques ne sont potentiellement plus assurables car ne sont plus mélangés à des populations qui permettent de mutualiser. Trop d’IoT sur-individualise les primes et met en risque le principe même de mutualisation. Maintenant, stratégiquement, on va vers ça et, pour le consommateur, c’est quand même une excellente chose.
Parmi les développements, il y a aussi les modèles de prédiction qui, avec l’accumulation de data, permet d’anticiper les risques et, peut-être aussi, de les éliminer. Est-ce là que l’assurance trouve sa limite ?
On peut certainement réduire, en récoltant de la donnée, un certain nombre de risques. Si vous constatez en recueillant de la donnée que dans un virage limité à 50 km/h, les voitures se plantent entre 40 et 50 km/h, eh bien vous allez mettre un panneau limité à 30. Grâce à la technologie embarquée, vous aurez limité les risques. Mais il y a des risques qu’on ne peut pas supprimer. On peut remonter toutes les données qu’on veut, mais si le conducteur a trop bu ou trop fumé, il risque un accident. La donnée n’y changera rien. L’assurance dommage de personne, qui est aujourd’hui le métier premier d’AssurOne, porte bien son nom. Il y a des personnes derrière, des individus. Le risque est ce qu’il est. Si vous oubliez de fermer votre maison, les données récoltées ne servent à rien.
Y a-t-il aussi des évolutions de comportement chez les consommateurs, qui font que l’assurance se doit de changer ?
Les assureurs collent aux évolutions du marché. Il y a eu toute une folie, un emballement, sur les assurances pour les nouveaux véhicules électriques. L’assureur est obligé de rattraper le marché. Personne n’avait vu cet emballement pour les trottinettes et vélos électriques. Il doit créer des produits sur lesquels il n’a pas forcément des modèles statistiques suffisants. Un autre exemple : les cyber-risques. Il y a aujourd’hui sur le marché des offres de cyber-assurance. C’est un marché sur lequel les modèles statistiques sont compliqués à mettre en œuvre. On ne sait pas si un cyber-risque peut être mondial ou local. Les assureurs s’adaptent, mais font-ils changer les comportements des consommateurs ? Oui. Quand on dit au consommateur qu’on va lui proposer un produit « pay as you drive » (temps) ou « pay how you drive » (pratique), on fait un lien direct entre son comportement et la prime d’assurance. Dans le cas de la « PHYD », on paie selon son comportement. Le score de conduite est une somme de respect de la limite, freinage dans les virages, etc. Quand tout ça a un impact sur la prime, forcément, ça influence le consommateur.
Vous parliez de cyber-risques. Des cyber-risques vont apparaître avec les nouvelles technologies digitales. Les entreprises en ont-elles conscience aujourd’hui ?
Il faut distinguer les grosses, moyennes, petites entreprises et artisans. Nous adressons plutôt le marché artisans/TPE. Ces gens-là prennent des assurances obligatoires. Il n’est pas évident de dire si une TPE/PME va prendre une assurance cyber. C’est une mesure de risque du risque par rapport à la prime qu’elle va payer. En ont-elles conscience ? Oui, mais c’est une valeur économique. Il y a aussi des risques sur les dirigeants. Il y a des produits d’assurance qui existent qui s’appellent « responsabilité des dirigeants » pour les protéger en cas de soucis divers et variés – indépendamment de malversations personnelles, bien évidemment. Du fait des acteurs qui tournent autour d’elles (experts-comptables, banques, avocats…), les entreprises sont parfaitement au fait des offres assurantielles. Mais y vont-elles pour autant ? C’est autre chose.
Il y a aussi un autre challenge c’est le fait que, pour les entreprises, l’achat d’une assurance n’est pas forcément primordial. Comment faites-vous pour rendre l’expérience client plus facile et agréable ?
Ce n’est effectivement pas un acte spontané. Bien souvent, on est obligé de s’assurer, ou alors on s’assure pour contrer une peur potentielle d’un risque qui pourrait arriver. Ça demande de l’accompagnement et le marché est d’une complexité parfois infinie. Tout ce qui peut être fait pour simplifier l’expérience du client est évidemment le bienvenu. C’est d’ailleurs ce qui permet de justifier l’arrivée de toutes ces insurtech, qui sont à la fois sur des offres plus simples et sur des parcours plus simples. C’est là que ça se joue. AssurOne est un distributeur B to C to B. Nous avons trois canaux de distribution : direct, courtage et partenariat. Nous avons la parfaite connaissance du consommateur final. C’est ce qui nous permet d’avoir une légitimité pour jouer notre rôle de distributeur et de créateur de valeur. Nos partenaires fournisseurs, ce sont les assureurs aujourd’hui. Nous distribuons des assurances. AssurOne a décidé de faire évoluer complètement sa stratégie. Elle a été reprise il y a un an par un actionnaire industriel solide, qui nous donne le temps de mettre en place une transformation importante de notre stratégie, et les moyens de le faire. Cette évolution vise à faire d’AssurOne une forme de marketplace. Il faut rester humble : nous ne sommes pas Amazon, nous n’allons pas lancer un site assurone-maketplace.com. Mais notre modèle virtuel marketplace vise à créer un modèle complètement ouvert sur les offres, la distribution et la data. C’est en créant ce modèle ouvert que nous allons pouvoir offrir à nos clients une expérience différente. Concrètement, ça signifie que notre choix est de continuer à distribuer les offres que nous allons créer et développer en co-construction avec les assureurs, mais aussi d’aller chercher des tas d’offres qui existent sur le marché et de les distribuer au même titre qu’un distributeur traditionnel physique, pour remplir nos étagères. Pour que le client soit satisfait, il faut qu’il ait le sentiment qu’il va tout trouver dans nos étagères de distribution. Ça, c’est l’ouverture sur l’offre. L’ouverture sur la distribution, elle vise à dire à l’ensemble des acteurs qui distribuent de l’assurance, quels qu’ils soient : venez chez AssurOne, vous allez trouver des offres larges et aurez une expérience de service conforme à vos attentes. Au-delà du fait de distribuer les offres, nous sommes légataires en gestion et en indemnisation. L’indemnisation est l’acte ultime de l’expérience client dans notre métier. Le troisième axe est l’ouverture sur la data. Cela consiste à mettre en place des outils d’intelligence artificielle de modèles prédictifs, pour proposer aux clients ou aux prospects qui nous contactent l’offre la plus adaptée, et des modèles d’aide à la décision à nos partenaires intermédiaires, pour optimiser leur rentabilité ou leurs taux de conversion. Voilà la transformation qui est en place.
Parmi l’ensemble des transformations que les entreprises vont être amenées à réaliser dans les années à venir, laquelle vous semble être la plus urgente à mener ?
La vocation d’une entreprise, c’est de faire du profit pour rémunérer ses actionnaires, qu’ils soient indépendants ou pas. Ce n’est pas très sexy à raconter mais, in fine, ça reste quand même ça. Quand on est une start-up, ça l’est paradoxalement encore plus, parce que si je crée une start-up, c’est quand même bien pour la revendre et valoriser. Ça, ça ne changera pas. Par contre, je pense qu’aujourd’hui les entreprises sont face à un double défi : celui de la conformité/réglementation/encadrement qui est extrêmement important et nécessaire, et celui du sens. On a d’un côté la réglementation et de l’autre les personnes, ces gens qu’on appelle collaborateurs, qui sont de plus en plus des êtres humains qui viennent travailler et non plus des salariés qui rentrent chez eux.
Qu’est-ce qui vous rend le plus optimiste dans la façon dont notre monde évolue ?
C’est assez simple. Sans tomber dans la démagogie, il y a aujourd’hui une génération qui a décidé qu’il fallait que les choses changent. Que se passera-t-il ? Je ne sais pas. Quel doit être ce changement ? Je ne sais pas. Mais il y a une dynamique beaucoup moins passive que dans les années 60-70, où il ne s’agissait que de faire de la croissance. Il y a désormais un rapport à l’humain et aux écosystèmes (économique, écologique) qui a bien changé. Il y a une volonté de mettre un peu plus de sens dans notre vie. Malraux disait que le XXème siècle sera religieux ou ne sera pas. Religieux, c’est très symbolique de sa part. Derrière ça, on retrouve le sens. Cette génération est en recherche de sens et elle tire le monde vers le haut.
C’est ce que vous disiez tout à l’heure au sujet des transformations à venir en entreprise. On a toujours en entreprise une logique de rentabilité, on doit toujours quelque chose aux actionnaires. Pensez-vous que cette relation avec les actionnaires va évoluer ?
Elle ne changera pas : on doit des comptes à l’actionnaire par rapport à ce qu’il nous demande (résultats, rentabilité). Là où ça peut changer, c’est qu’il va demander de plus en plus de sens, soit contraint, soit volontairement, la notion du sens est importante. Il y a tout un mouvement actuellement, qu’on trouve aussi dans le monde de l’assurance avec Pascal Demurger et la MAIF, c’est celui des entreprises à mission. Acter que l’entreprise a un rôle éco-sociétal aussi important qu’économique, répond d’une certaine façon à votre question. L’actionnaire fixe comme cap quelque chose de plus profond que le retour économique. Ça existe déjà beaucoup avec les engagements RSE de la plupart des entreprises en France.
Avant de se retrouver aux Sommets du Digital, auriez-vous un petit mot à partager avec les participants ?
Je pense que le mot essentiel est : diversité. Je suis ravi de rencontrer un aéropage que je ne connais pas, de présenter AssurOne est de passer un bon moment. Diversité et ouverture.